Mais quand reverrai-je de mon petit village fumer la cheminée?

Nous allons bientôt emménager sur notre nouveau lieu de vie au Mas d’Azil. Et cela crée un drôle de mélange de sentiments en moi. La joie et la tristesse se partagent la place dans mon cœur.

Entendons nous bien, ce projet je l’adore et je suis toute excitée qu’il prenne forme, que nous soyons enfin dans du concret. Et en même temps, une partie de moi est triste de partir de ce village que j’aime tant, dans lequel je m’investis depuis 3 ans maintenant. Ce village où je suis née, j’en suis partie et j’y suis revenue.

J’ai longtemps mis un mouchoir sur ce sentiment de tristesse. Comme si je me trahissais de ne pas ressentir uniquement de la joie pour ce projet que j’ai choisi. Je me suis même désinvestie de mes activités au sein de la commune, pour être le moins possible confrontée à ce sentiment.

Jusqu’à ce que Noémie me permette de mettre le doigt sur ce que voulais dire ce sentiment : c’est mon processus de deuil.

Les rituels

Les deuils, les célébrations et les gratitudes sont des rituels que nous avons mis en place régulièrement au sein de notre famille et de notre tribu.

Célébrations et gratitudes ont été faciles à instaurer dans nos routines régulières. Quant au deuil, j’ai bien senti une résistance en moi. Presque un besoin irrépressible de trouver des solutions pour palier ces sensations désagréables…

Certains peuples font une fête pour célébrer la mort. Mais plus généralement c’est le deuil suite à une perte ou un changement qui est célébré. Par exemple, dans certaines tribus indiennes des rites de passages existent lorsque les humains grandissent pour clore un cycle et en ouvrir un nouveau, enrichi de ce qui a été vécu précédemment.

Dans notre pays et dans beaucoup d’autres aux cultures similaires, le deuil est survolé voire carrément tabou. Nous n’avons qu’à observer le nombre de jours de congés octroyés lors d’un décès. Je ressens comme une injonction tacite à vite se remettre à la « normalité ». Et ce, alors que nous venons de vivre un changement, parfois une perte, des repères qui changent. Et de surcroît nous évitons le sujet douloureux comme si nous n’étions pas capable d’accueillir la tristesse de l’autre.

Et que dire des émotions qui font des sensations désagréables?

La tristesse, la colère, la peur, sont souvent accompagnées de la honte de les ressentir. Mais quelle place laissons nous à nos émotions?

Dès notre plus jeune âge, nous sommes soumis aux « c’est rien » et « arrête de pleurer ». Ces petites phrases qui s’inscrivent profondément en nous à force de répétitions. Et c’est encore pire lorsque nous faisons un choix. Nous devons assumer et ne pas regretter de l’avoir fait. Comme si tous les choix étaient tout blanc ou tout noir? Et s’il y avait un peu de gris au milieu de tout ça et tout un panel de couleur?

Si nous n’évacuons pas toutes ces émotions refoulées, elles risquent d’exploser à un moment, d’une manière plus ou moins forte. Tandis qu’accueillies pleinement et accompagnées, elles font partie du processus de guérison.

J’ai encore de la gratitude pour Noémie, lorsqu’elle a accueilli un des enfants dans son émotion suite à la disparition d’un jouet. Elle ne cherchait ni une  solution, ni à le faire arrêter de pleurer. Elle a juste posé ses mains sur son plexus solaire. Il avait droit de vivre son émotion… dans une pleine présence.

Rien que d’y penser, je ressens la légèreté concomitante à des pleurs de soulagement.

Mon processus de deuil

Alors depuis, j’apprends à poser un nouveau regard sur ces émotions qui me traversent et à toutes les accueillir, parfois plus facilement que d’autres. En accueillant tout cela je guérirai « gai rirai » et je me réinvestis dans mes activités en conscience que ces sensations désagréables existent. Je découvre petit à petit toutes ces phases de deuils. Et ce qui m’a le plus surpris, c’est qu’en conscientisant tous ces mini-deuils dans ma vie, j’ai plus de facilité à faire un choix!!

Mon petit village

Je vous partage ma petite dédicace à mon village et tous ses humains qui le composent.

Mon petit village qui m’a vue naître partir et revenir , mon petit village où fument les cheminées en hiver, où l’eau fraîche des cours d’eau nous fait apprécier l’été. Où la pluie vient gonfler la rivière qui se met à gronder et  à dévaler son lit comme un dragon en colère les soirs de gros orages. Ces orages qui résonnent dans toute la vallée, les montagnes se renvoyant le son du tonnerre comme des joueurs de ping-pong.

Ce petit village dans lequel tu n’arrives pas par hasard et qui est connu jusque dans les contrées kényanes! Ce petit village qui fait vibrer mon cœur un jour de marché de Noël, avec l’effervescence de toute cette diversité humaine. Quelles couleurs vivantes emplissent les étroites rues de montagne.

Et ce petit village qui me rappelle que même avec nos différences nous pouvons être solidaires, habitants, commerçants et vacanciers. Et que la richesse des uns, partagée avec tous dans des associations ou des événements prend une valeur inestimable.

Ce petit village qui me remémore que je suis la nature et comment je peux être en harmonie au sein de celle-ci. La rudesse de l’hiver peut parfois surprendre au détour d’une journée au ciel bleu azur. Ce village où nos plus belles tenues de bal sont assorties…à nos grosses chaussures de rando. Ce village où nos convictions ont leur place et où la sobriété est heureuse.

Ce petit village et tous ces gens que j’aime laissent une empreinte dans mon cœur. Et j’aime à penser que j’y laisse moi aussi une empreinte…joyeuse. Un petit goût de nostalgie et un grand sourire m’accompagnent dans mon panier en osier pour la suite de mon chemin.

Merci, mon petit village.

Une réflexion au sujet de « Mais quand reverrai-je de mon petit village fumer la cheminée? »

  1. Ta petite dédicace à la massat m’a mis la larme à l’œil ! MERCI 💕 C’est beau et chaque passager de cette vallée y laisse un peu de son âme accroché aux arbres ou aux sommets enneigés ! On sait que tu es là même loin 💗💗💗💗

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