Mon besoin, pas ton rejet.

Non je ne te rejette pas toi l’homme, par contre j’aimerais que tu comprennes mon besoin.

On ne peut pas dire que j’ai grandi dans un schéma classique de mère et de père enfermé.es dans des stéréotypes de genre. C’était pire, ma mère n’était souveraine dans aucune compétence/attribut assigné à un genre alors que mon père lui maîtrisait tout : artisan du bâtiment qui maniait aussi bien la machine à coudre que les fourneaux. Pas facile pour l’enfant que j’étais de se construire, d’autant plus que ce père était tellement insécure sur le plan émotionnel qu’il avait besoin de demeurer sur son piédestal de super papa trop fort, bien trop heureux de tout faire à la place de sa fille plutôt que de prendre le risque de lui transmettre son savoir….

Bon et bien, comme je ne pouvais pas compter sur mes parents pour apprendre à me débrouiller dans la vie, j’ai appris par moi même, en observant beaucoup les autres d’une part, et ce qui était véhiculé par la télévision d’autre part (ma meilleure nounou).

J’ai eu vers 17/18 ans une période de débrouillardise en bricolage, je me rappelle avoir été super fière quand je suis allée voire les plombiers du dessous alors que mon évier était bouché juste pour leur emprunter l’outil dont je SAVAIS que j’avais besoin et de voire leurs visages surpris.

Mais cela n’a pas duré bien longtemps. Dix-neuf ans, rencontre avec l’homme qui partage encore ma vie aujourd’hui, et qui lui aussi maîtrise avec aisance tout le domaine manuel/bricolage et Cie. Alors je lui rend ma souveraineté et retombe dans le schéma confortable (je l’avoue) de : c’est son domaine, il le fait mieux que moi, je le laisse gérer. C’est moi qui suis responsable de cette situation, et en même temps, comme je n’ai connu que ça pendant toute mon enfance, il est difficile pour moi de faire autrement.

Finalement, je me laisse bercer par l’idée que c’est pleinement mon choix de rentrer dans ces stéréotypes de genre, tout comme d’autres choix au sein de notre couple et de notre cellule familiale à la naissance de notre fille. Mais le sont-ils complètement ? Jusqu’où suis-je influencée (ainsi que mon compagnon) par ces stéréotypes distillés au quotidien dans notre société dans lesquels nous baignons depuis notre naissance ?

Ma vision jusqu’alors du féminisme était l’incompréhension : pourquoi ce besoin de mettre autant d’étiquettes ? De rejeter l’autre ? D’être dans cette énergie épuisante de colère et de lutte ?

Et puis, et puis, et puis… la vie en collectif. Des bâtiments à rénover, l’exaltation d’un projet porté à plusieurs dans lequel je veux prendre PLEINEMENT part, et dont les chantiers font partie.

Mais le moment venu, je me réfugie beaucoup dans mon rôle de mère et aux cuisines, tâches que je connais, que je maîtrise et dans lesquelles je suis reconnue. Je me rends compte qu’il en est de même pour la majorité des femmes présentes. Alors allez, le me lance, je peux le faire ! Et là… BIM ! Je vis ce qu’un petit enfant vit de manière quotidienne : homme/adulte qui me regarde et trépigne d’impatience de me montrer comment lui sait faire, me donne des conseils que je n’ai PAS demandés parce que lui sait mieux faire que moi. Et quand je réussis dans ce que j’ai entrepris et l’exprime dans la joie, j’ai en miroir des petites remarques taquines que je vis comme condescendantes. Je vis tout cela avec violence, mais ressens de la gratitude de comprendre, en le vivant, ce que vit tout enfant. Heureusement qu’on ne m’a pas ôté l’outil des mains pour me montrer comment faire, parce que là, moi aussi je me serais roulée par terre en pleurant !!!

Et puis, et puis, et puis… Je pars en stage de connexion à la nature où nous pratiquons les arts ancestraux qui la plupart du temps implique l’utilisation de hachette, couteau et autres outils fabuleux que je n’ai jamais vraiment utilisés… La peur de ne pas savoir faire et d’être jugée dans mes lacunes s’empare de moi, j’observe tout le monde le premier jour, incapable de m’y mettre aussi. Pourtant, ça me fait bien envie. Alors le 2deuxième jour, poussée par les autres, je me lance. Et là… BIM ! Des hommes ce coup-ci, avec les meilleures attentions du monde me disent comment je dois faire, ou comment faire mieux : de quoi je mêle d’abord ? Et puis, et puis et puis… LA révélation : une aînée arrive, me regarde attentivement et me demande en douceur mon consentement AVANT de me donner un conseil. Ce que j’accepte et reçois dans la joie.

Et à partir de ce stage, je décide de reprendre ma souveraineté dans ces attributs estampillés masculins. Je VEUX devenir une femme puissante et confiante dans ses capacités afin de le transmettre à ma fille et casser cette putain de roue bordel (pardon pour la vulgarité, mais tout cela me prend aux tripes). Alors comment faire ? Parce que du coup, à trop vouloir revendiquer ma place, on me force un peu la main : bas vas-y fais-le si tu veux le faire, elle y arrive bien elle… Et bien vouloir ce n’est tout bonnement pas pouvoir. Comment puis-je marcher si je n’ai pas appris à le faire ? Ce n’est pas en regardant trois tutos sur YouTube que ça y est, je sais faire de la maçonnerie ! Il me faut réapprendre et pour apprendre il faut se sentir en confiance.

Alors je sens l’appel en moi de m’entourer de femmes inspirantes, afin de me construire un nouveau moi en miroir de ces femmes puissantes, comme le ferait un·e petit·e enfant avec les adultes qui l’entourent. Dit comme ça, ça paraît logique, mais dans les faits ce n’est pas évident pour tous.tes, qui le vivent comme un rejet. Mais je commence à y être habituée : quand j’ai décidé d’allaiter ma fille et de pratiquer le maternage proximal tous·tes celles et ceux qui ne l’avait pas fait l’ont pris comme un jugement à leur encontre alors que c’était mon CHOIX en regard de… et bien de moi.

Donc oui, j’ai envie de faire des chantiers, mais pas parce que j’y suis forcée et que je dois prouver quelque chose, mais bel et bien parce que j’en ai envie tout en étant dans un cadre sécurisant pour moi. C’est mon besoin à ce moment T de ma vie. Ce n’est pas parce qu’aujourd’hui j’ai besoin de faire des chantiers avec des femmes, encadrés par des femmes que ce le sera toute ma vie, bien au contraire. C’est une étape pour reconquérir ma souveraineté et pour mieux travailler avec toi, homme, d’une manière qui nous sera profitable à tout·es les deux (si si je te le jure).

Alors oui, peut-être qu’on peut aujourd’hui me coller l’étiquette de féministe qui fait si souvent grincer des dents pour toutes les raisons que j’énumérais plus haut. Mais je me vois avant tout comme une personne sur le parcours de la guérison, pour être simplement moi, alignée dans mon plein potentiel d’être humain.e.

Puis-je à présent être entendue et reconnue dans ce besoin ?

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