S’engager dans un collectif ou l’engagement à cheminer en soi à plusieurs

La naissance d’un rêve

Suffocant dans le tourbillon de la vie parisienne, j’aspirais à plus de nature, de sobriété, d’authenticité, de retour à l’essentiel, en somme d’exode urbaine quoi. Mais avoir notre propre maison dans un patelin inconnu à reconquérir notre autonomie seuls avec notre enfant me paraissait une gageure. Alors quand j’ai entendu parlé du principe des Oasis, une petite ampoule s’est illuminée dans ma tête : voilà comment changer de paradigme de vie ! Nous n’allions pas partir seuls à l’aventure mais en tribu ! Redécouvrir le vivre ensemble en communauté choisie et partager des valeurs communes, avoir d’autres enfants et d’autres adultes pour accompagner ma fille sur le chemin de la vie, mutualiser nos biens, nos moyens et nos savoirs pour aller plus loin ensemble et incarner tous ensemble le changement que nous voulons voir opérer dans le monde. Voilà le programme alléchant qui nous a mis en quête d’un écolieu où redémarrer notre vie, un futur plein de belles promesses.

Du collectif idéalisé à la dure réalité des conflits et de la rupture

Mais voilà pour atteindre la terre promise il faut parfois traverser le désert, et pour toute part de beauté il y a une part d’ombre. Avant de nous lancer dans l’aventure nous avions bien enregistré que la plupart du temps si un projet avortait ce n’était pas la faute au montage juridique ou financier, non c’était à cause du facteur humain. Bon ok, du coup on s’est formé à la CNV et en gouvernance partagée à glisser eux aussi dans nos bagages pour un avenir meilleur. On s’est mis en route, on a rencontré de chouettes projets et de chouettes individus, et voilà que notre cœur s’emballe pour l’Ariège où nous poserons nos valises.

Nous rejoignons un premier projet prévu pour 6 foyers, deux sont déjà présents et très vite des tensions apparaissent entre eux. Je mets alors en place des outils de gouvernance partagée et insiste sur la mise en place d’un cadre de sécurité avec un processus de résolution des conflits. Les décisions au consentement se prennent, la rédaction du cadre de sécurité avance mais pas assez vite, la question des conflits est sans cesse repoussée au profit des questions financières, d’urbanisme et de recrutement de nouvelles familles car tout le monde est impatient de pouvoir s’installer rapidement sur le lieu. Résultat les égos s’échauffent et quand le conflit inévitable éclate, nous nous trouvons pris en otage entre deux feux. Le verdict est sans appel, une famille quitte le projet qui ne réussira jamais vraiment à s’en remettre. Nous quitterons nous aussi le projet le cœur lourd après un an et demi d’aventure.

Quand nous rejoignons Terr’Azïl, mon cœur est de nouveau chantant et en joie. Ça y est nous avons trouvé notre tribu ! À terme c’est 15 foyers qui sont attendus et nous seront le 3ème foyer à rejoindre les 2 foyers cofondateurs présents. Ce coup-ci le facteur humain devrait bien se tenir, la gouvernance semble solide car portée par un résident collaborateur de l’UDN et à la lecture d’articles de leur blog la phase du « Nous conflictuel » a déjà été traversée même si elle sera amenée à se représenter à chaque changement dans le groupe. Et bien erreur, le même schéma se reproduit, des tensions interpersonnelles se mêlent et s’entremêlent tant et si bien qu’une des deux familles quitte une fois de plus le projet. Mon cœur est meurtrit.

La prise de conscience de l’engagement

Suite à ce cataclysme, tout est remis à plat par les membres du collectif, après nos chantiers d’été pour faire avancer les travaux du lieu, nous passons en chantiers d’hiver pour prendre soin de ce fameux précieux facteur humain.

Et c’est là que dans ma tête se produit le basculement : bien sûr que là où il y a de l’humain il y a des conflits et c’est pour cela que des outils et des processus de gestion des tensions sont indispensables. MAIS ça ne suffit pas.

Ce qu’il faut c’est que chaque individu lorsqu’il décide de vivre dans un collectif soit conscient et surtout prêt à aller traiter ses tensions personnelles et interpersonnelles.

Qu’il s’engage à aller explorer et traiter ses parts d’ombre et celles du collectif. Car ensemble nous nous renvoyons des miroirs de nos parts conscientes et inconscientes pas toujours confortables à affronter.

Car vivre en communauté (même choisie) c’est comme quand on a un enfant, on renoue de plein fouet avec notre enfant intérieur et ses multiples blessures. Alors bien sûr c’est un précieux cadeau que nous offre le groupe de pouvoir aller le soigner mais attention toutefois à ne pas attendre du groupe qu’il prenne en charge et soigne ce qui nous appartient

Il faut que chaque individu soit également prêt à prendre pleinement sa souveraineté dans le groupe. Car finalement le pouvoir que les autres ont sur moi est le pouvoir que je veux bien leur donner.

Un nouveau chemin d’espoir

Aujourd’hui à la relecture de tous ces éléments, je me dis que mon projet initial est encore plus beau et riche qu’avant. Ce n’est pas seulement une résilience écologique et sociétale que je vais vivre mais aussi une résilience intérieure bien plus profonde.

Ce programme semble ambitieux et je l’avoue me fait même peur parfois, mais je le vois davantage comme une belle opportunité d’aller cheminer en moi pour pouvoir encore mieux aller à la rencontre de l’autre. Mais tout comme le reste, cette réappropriation est un chemin partagé, à plusieurs, et bien que nous ne prenons pas en charge les autres, nous nous entraidons et nous soutenons afin de grandir ensemble naturellement. Telle est notre devise ici à Terr’Azïl ma tribu de cœur.

2 réflexions au sujet de « S’engager dans un collectif ou l’engagement à cheminer en soi à plusieurs »

  1. Merci Elsa, c’est très réconfortante et reconnaissable ton témoignage! Si important d’être juste avec soi-même, surtout en contact avec des enfants( des fois de 60 ans!). Espérant de te rencontrer à la semaine de rencontre du 19 au 25 juillet.

  2. Bonjour Elsa.
    J’apprécie ton témoignage, la nécessité de la bienveillance entre nous dans les collectifs et de souligner à la fois que notre souveraineté individuelle est le terreau fertile de ce bonheur collectif.
    Les beaux jours sont porteurs de bons moments de partage. Bonne fin de printemps et début d’été à votre groupe. On vous salue.
    Dommage que notre projet n’est pas trouvé sa place au sein de votre groupe.
    Bonne suite.
    Lionel, Marie et salomé.

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